Est-ce qu’il existe encore des barrières entre les femmes et la science au Québec?

Publié originalement le 17 mars 2015

Cette semaine, j’ai eu une discussion avec une bonne amie au sujet des préjugés véhiculés sur les femmes et la science, des effets potentiels sur les filles, etc. J’en suis partie peu convaincue d’avoir bien fait valoir mon point de vue. Mon billet d’aujourd’hui n’est pas une suite à cette discussion, c’est plutôt la poursuite de mes réflexions sur le sujet. J’aimerais répondre à la question suivante : est-ce qu’il existe encore des barrières entre les femmes et la science au Québec? (1)

Une courte recherche sur Web of Science (2) m’a menée vers un article de 2011, analysant les différences de performance entre tous les professeurs universitaires du Québec et les effets du sexe sur ces marqueurs de performance [1]. Les résultats surprendront certains, mais me semblent plutôt logiques. Voici quelques-uns de ces résultats :

  • Dans tous les domaines (et j’entends ici, même les sciences sociales), il y a moins de femmes professeures-chercheuses que d’hommes.
  • Les femmes reçoivent moins de financement à la recherche que les hommes. Pour les sciences naturelles et le génie, on parle d’une différence de 43 000 $.
  • Les femmes ont publié 20 % moins d’articles que les hommes dans le domaine des sciences naturelles et le génie sur la période d’étude. Cette différence disparait toutefois quand on ne fait que considérer les premiers auteurs.
  • Le facteur d’impact des chercheuses (3) semble inférieur à celui des chercheurs, bien qu’aucun test statistique n’ait été effectué sur ce résultat.

Certains diront que le manque de productivité des femmes est un résultat logique, découlant naturellement de leurs maternités. Larivière et collaborateurs [1] proposent également d’autres pistes de discussion. J’aimerais toutefois mettre ces résultats en parallèle avec ceux d’autres études (4) :

  • Pour un dossier de candidature identique, une femme sera jugée moins compétente et se fera offrir un plus faible salaire, moins d’opportunités et moins de soutien [2].
  • Suite à un processus de révision par les pairs aveugle (les noms des auteurs ne sont pas révélés), plus d’articles avec des femmes comme premiers auteurs sont publiés [3]. On en déduit que les articles écrits par des femmes ont moins de chance d’être publiés quand on sait qu’une femme l’a écrit.
  • Les femmes sont sous-représentées comme éditeurs de journaux scientifiques (5).

Comment ne pas avoir envie de hurler quand on regarde ces faits? Comment nier qu’on a encore du chemin à faire? Même dans une société qui se dit avancée sur l’égalité homme femme, il y a des problèmes. En être conscient est selon moi l’étape 1.

(1) Quand je parle de science, je réfère aux disciplines regroupées en anglais sous l’acronyme STEM : science, technologie, génie et mathématiques.

(2) Mots clés utilisés: (Qu*bec) AND (girl* or wom*n) AND (science))

(3) Un indice qui tient compte de l’impact factor des journaux dans lesquels l’auteur a publié ses études.

(4) Un site qui recense de tels articles : https://www.cfa.harvard.edu/~srugheimer/Women_in_STEM_Resources.html

(5) Un petit test fait par Timothée Poisot sur son blogue : http://timotheepoisot.fr/2014/11/24/editorial-boards-gender-bias

1.             Larivière, V., et al., Sex differences in research funding, productivity and impact: an analysis of Quebec university professors. Scientometrics, 2011. 87(3): p. 483-498.

2.             Moss-Racusin, C.A., et al., Science faculty’s subtle gender biases favor male students. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2012. 109(41): p. 16474-16479.

3.             Budden, A.E., et al., Double-blind review favours increased representation of female authors. Trends in ecology & evolution, 2008. 23(1): p. 4-6.

Du blogue vers la vie réelle

Publié originalement le 10 décembre 2014

Vous vous souvenez de mon billet Rien qu’une fois, sur le terrain : harcèlement sexuel et milieu académique? Peut-être, car c’est mon billet qui a été le plus lu jusqu’à maintenant.

Grâce à la magie de Twitter, ce texte a fini par atterrir dans les mains de ma directrice de programme et de ma directrice de département. Ce qui a généré une rencontre durant laquelle nous avons discuté de ce qui pourrait être fait en terme de sensibilisation au département de biologie.

Bref, je ne croyais pas en commençant ce projet de blogue qu’il pourrait influencer ma vie académique «réelle ». Mais c’est génial! J’aime beaucoup l’idée qu’avec un geste anodin, soit écrire sur mes idées, je puisse avoir une influence a plus grande échelle. Et merci à François Gagnon de m’avoir incitée à partager ce dénouement avec vous.

En conclusion, je vous inviterais à partager mon expérience au niveau de votre département ou de votre faculté. Il reste énormément à faire en terme de prévention du harcèlement sexuel en milieu académique.

Rien qu’une fois, sur le terrain : harcèlement sexuel et milieu académique

Publié originalement le 17 septembre 2014

Cette semaine, j’aborde un sujet qui a fait beaucoup de bruit dans le milieu académique anglophone, soit le harcèlement sexuel particulièrement lors des travaux de terrain, hors université. Suite à la publication d’un article dans Plos (1), les réactions ont fusé de toute part (2), avec raison. Brièvement, l’étude par Clancy et al. (2014) nous apprends que 64 % des répondants ont subi du harcèlement sexuel et plus de 20 % ont vécu une agression sexuelle. Les femmes, qui composaient la majeure partie de l’échantillon, subissent plus fréquemment du harcèlement sexuel et ce harcèlement provient majoritairement de leur supérieur. Malheureusement, peu de victimes connaissent les ressources disponibles pour dénoncer le harcèlement et lorsqu’elles dénoncent, elles sont souvent insatisfaites du résultat. Cette étude a des limites et je vous conseille de lire l’article pour vous en informer.

Ma première constatation est en fait une question. Pourquoi n’en a-t-on pas parlé en français et surtout au Québec? Il est possible que la question soit simplement passée sous le radar. Comme la communauté académique représente une petite proportion de la population mondiale, le nombre de personnes touchées par la situation sera faible au Québec. Pourtant, je considère qu’il est essentiel de s’attaquer à la question parce que le harcèlement sexuel se produit partout. Bref, aujourd’hui, je redresse la situation! Notons toutefois qu’avec une rapide recherche, j’ai pu trouver quelques ressources venant de la France (3).

Deuxième constatation : le phénomène est beaucoup trop fréquent. Est-il plus ou moins fréquent que dans d’autres milieux de vie? Je ne le sais pas et je ne crois pas que ce soit important, car un cas est déjà de trop. Sommes-nous moins touchés ici? On considère généralement que nous jouissons d’une belle égalité et d’un beau respect entre les sexes au Québec. Sous ce parapluie, on se cache de l’orage et on se fait croire que tout va bien. En l’absence de données, on ne peut s’avancer sur la prévalence, mais ça n’empêche pas d’agir pour améliorer la situation.

Donc, que faire? En me basant sur différents blogues (2, 4, 5) et sur l’article de Clancy et al, je vous amène les pistes d’action suivantes :

  • S’informer et informer les autres : avant le travail de terrain, j’ai reçu une formation en santé et sécurité au travail, une formation de premiers soins en région éloignée, une formation de conduite de VTT. Mais on ne m’a jamais offert (à mon souvenir) de formation sur quoi faire en cas de harcèlement ou d’agression. Je crois qu’il est du devoir de l’Université, du département et des directeurs de laboratoire de répandre cette information. C’est également notre responsabilité à tous de s’informer. Mon Université propose un site web intéressant (4) et je vous invite à trouver les initiatives de votre université.
  • Réagir : je n’ai pas dit vous battre! Mais exprimer votre désaccord face à une situation dont vous êtes témoin est important. Sinon, vous n’êtes qu’un complice. La victime n’est pas nécessairement en état de réagir. Projet crocodile explique comment réagir en tant que témoin de harcèlement ou d’agression (5). Bien que certains points s’appliquent moins bien sur le terrain (haha, utiliser un cellulaire!), c’est bien fait et une BD résume mieux le sujet que ce que je pourrais faire! (Précision ajoutée le 12-11-2014: la victime n'est pas complice. Jamais)

Ce n’est pas complet, mais je crois vous avoir donné suffisamment de références pour mieux vous équiper. Maintenant, si vous doutez des effets néfastes du simple harcèlement, je vous suggère de lire le témoignage d’une étudiante : (6).

10 décembre 2014/Ce texte a eu des répercussions inattendues: http://survivreasondoctorat.blog.com/2014/12/10/du-blogue-vers-la-vie-reelle/

(1) Clancy K.B.H., Nelson R.G., Rutherford J.N., Hinde K. (2014) Survey of Academic Field Experiences (SAFE): Trainees Report Harassment and Assault. PLoS ONE 9: e102172. doi:10.1371/journal.pone.0102172
http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0102172

(2) Entre autres : https://harvardmagazine.com/2014/08/sexual-harassment-academic-fieldwork, https://www.insidehighered.com/blogs/gradhacker/sexual-harassment-and-fieldwork-being-ally

(3) http://etudiant.lefigaro.fr/vie-etudiante/news/detail/article/harcelement-sexuel-un-guide-pour-se-proteger-des-profs-abusifs-4278/
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1193742-harcelement-sexuel-l-enseignement-superieur-reste-trop-protege.html
http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/les-etudes-doctorales-seraient-propices-au-harcelement-sexuel-et-moral.html

(4) http://www2.ulaval.ca/services-de-a-a-z/harcelement/a-propos-du-cpimh.html

(5) http://projetcrocodiles.tumblr.com/

(6) http://blogs.scientificamerican.com/context-and-variation/2012/01/30/from-the-field-hazed-tells-her-story-of-harassment/