La métaphore du buffet : mon projet de doctorat

Publié originalement le 17 décembre 2014

Voici mon premier billet sur ma recherche! (1) Commençons par spécifier que je suis une écologiste spécialisée dans les relations plante-herbivore. Plus spécifiquement, j’étudie la sélection des ressources alimentaires d’un grand mammifère, le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) et comment sa sélection est influencée par les plantes accompagnatrices.

Si vous ne connaissez pas le domaine, sachez que plusieurs chercheurs et études se consacrent à la sélection de la ressource par les herbivores. C’est logique : l’utilisation des plantes par les herbivores peut entrer en compétition avec notre propre utilisation de ces ressources. Et comme les populations de grands herbivores sont en augmentation dans le monde, il y a génération de conflits entre la faune et les populations humaines [1]. Plusieurs recherches se concentrent également sur l’influence des plantes accompagnatrices (les plantes voisines d’une plante d’intérêt) sur la sélection de la ressource par les herbivores. Avec le temps, j’ai développé une métaphore sur l’impact de ces plantes accompagnatrices sur le risque d’une plante d’être consommée.

Disons que vous adorez le cheddar, vous aimez les olives et vous détestez le brocoli. On est à un party de Noël et je suis intéressée par la probabilité que vous mangiez des olives. Dans le buffet, si les olives sont placées à proximité du cheddar, cela pourrait augmenter cette probabilité : vous allez vous tenir dans le secteur du buffet avec fromage et ingérer des quantités incroyables de cheddar et d’olives. Au contraire, si les olives sont près du brocoli, la probabilité de manger des olives pourrait diminuer. Juste à voir le brocoli, vous avez un haut-le-coeur et vous évitez cette section du buffet. Bien entendu, c’est une simplification de l’effet d’une plante accompagnatrices. L’effet d’une plante préférée et d’une plante évitée peut être inverse à celui décrit ci-dessus, mais ce sera le sujet d’un autre billet.

Certains des cerfs que j’étudie sont dans un système très simple, l’ile d’Anticosti (2). Sur l’île, il y a 3 espèces d’arbres principales. Nous pouvons les classer selon l’ordre de préférence du cerf pour ces espèces : bouleau > sapin baumier > épinettes. Les objectifs de gestion et conservation pour l’île visent à augmenter la régénération en sapin (Abies balsamea), qui est présentement surbrouté. Pourquoi ne pas utiliser les espèces accompagnatrices pour modifier la probabilité qu’un cerf consomme les sapins? Certains chercheurs ont proposé des initiatives de ce type dans d’autres systèmes [par exemple: 2]. Et c’est en partie pourquoi mon projet a été lancé.

Et voilà, je vous ai expliqué la métaphore du buffet, qui résume de façon simplifiée mon projet de doctorat. Une fois ce concept expliqué, je pourrais vous relater le travail de terrain que je m’apprête à faire en janvier : placer des branches dans le bois et noter ce que le cerf consomme. Spoiler: cette expérience implique de l’urine de coyote.

(1) Vous pouvez partager avec vos amis scientifiques anglophones avec ce lien/You can find the English version of this post here:

http://survivreasondoctorat.blog.com/2014/12/17/the-buffet-metaphor-for-my-ph-d/

(2) Un autre sujet futur !

1. Côté, S.D., et al., Ecological impacts of deer overabundance. Annual Review of Ecology Evolution and Systematics, 2004. 35: p. 113-147.

2.Aerts, R., et al., Restoration of dry afromontane forest using pioneer shrubs as nurse-plants for Olea europaea ssp cuspidata. Restoration Ecology, 2007. 15(1): p. 129-138.