Conservation et souffrance humaine

Partout dans le monde, des biologistes étudient et contribuent à la conservation de différentes espèces. Sauf que parfois, les humains qui habitent les mêmes milieux vivent dans des conditions déplorables. Comment justifier les fonds placés dans la conservation d’espèces animales ou végétales lorsque des humains sont dans le besoin? (1)

La rainette faux-grillon, nouveau sujet de discorde provincial-fédéral, est un exemple bénin de ce genre de conflit. On arrête le développement résidentiel pour sauver une grenouille minuscule. L’emphase sur la taille de la grenouille n’est pas de moi, mais bien des médias qui n’arrêtent pas de nous répéter combien petite est cette grenouille pour en souligner l’insignifiance (?). Plus dramatiquement, on peut penser à la recherche sur les grands herbivores et prédateurs africains. Plus près de nous? Des millions de dollars sont investis dans la recherche sur les caribous au Canada pendant que des conditions du tiers-monde prévalent dans les réserves autochtones et les villages inuits.

Je répète donc ma question: comment justifier la recherche et la conservation dans ce contexte?

Tout d’abord, je répondrai que le bon fonctionnement d’un écosystème (2) repose sur les espèces qui le composent. Certaines ont des rôles plus importants que d’autres, mais il est dur de prévoir les répercussions de la disparition d’un des membres de l’écosystème (3). Nous, les humains, faisons partie des écosystèmes et l’utilisons. Nous ne pouvons tout simplement pas vivre sans, d’où l’importance de le préserver. D’ailleurs, la conservation ne peut pas attendre que tous les problèmes humains aient été réglés. Une fois que tous les Québécois en CHSLD auront plus d’un bain par semaine, le caribou forestier sera probablement disparu. Et on ne pourra pas le ramener.

De plus, on m’a suggéré que ce problème est un de privation relative. Ce n’est pas parce que les petits enfants en Éthiopie manquent de nourriture que vous devriez complètement finir votre assiette. Ce n’est pas parce que les réfugiés syriens vivent l’enfer que vous ne devriez pas être malheureux. Ce n’est pas parce que des gens souffrent qu’on ne devrait rien faire pour la conservation d’espèces animales et végétales.

Il me reste un malaise. Le sort des humains qui souffre me touche plus que celui de la rainette, même si j’approuve les décrets pour sa conservation. Qu’en pensez-vous?

(1) Ce sujet m’a été inspiré par Asia Murphy une biologiste qui étudie des interactions animales à Madagascar. Je vous suggère de la suivre et de regarder la conversation que j’ai générée suite à sa question.

(2) Un écosystème, c’est l’ensemble des organismes d’un milieu ainsi que leur environnement physique. Oui, je sais, c’est vague.

(3) L’extirpation des loups en Amérique du Nord a permis l’augmentation des populations de cervidés et donc nuit à la régénération de plusieurs espèces végétales. L’impact des loups sur la végétation, vous y auriez pensé?