Il n'y a pas de page blanche (en science)

Je suis bloquée ! Dehors, tempête de neige et devant mon visage, une étendue blanche qui n’attend que d’être remplie.

Tout a été dit sur le syndrome de la page blanche. Tout. Mais est-ce que ça s’applique pour écrire un chapitre de thèse ou un manuscrit scientifique ? J’ai déjà lu que le syndrome de la page blanche n’existait pas en science (1). Tu sais ce que tu veux dire, tu ne recherches pas l’inspiration, alors écris-le (et cesse de m’embêter).

Sauf que parfois, ça ne sort pas comme on dit par chez moi. Qu’est-ce qui se passe ? J’ai la conviction de plus en plus affirmée que c’est ce qui arrive lorsque la réflexion n’est pas à maturité. Ce que je veux dire, c’est qu’on a plein d’idées, mais elles sont mal connectées. Ou encore, notre interprétation des résultats est bancale. Ma mère disait toujours que ce qui se conçoit bien s’exprime clairement et que les mots pour le dire viennent aisément. Manifestement, c’est le problème qui m’arrive.

Que faire ? Aller devant un tableau (blanc, lui aussi ou noir si vous préférez) et essayer de placer ses idées. Réfléchir, prendre une marche. En parler avec un collègue, l’utiliser comme miroir de ses réflexions ou comme avocat du diable. Écrire un blogue sans lien avec ce que vous êtes censé faire (ahem…). Ce n’est pas l’inspiration qui manque au scientifique, c’est parfois d’ordonner ses pensées.

Sur ce, je retourne à mon manuscrit. J’attends la semaine prochaine pour vous parler d’un de mes chapitres de thèse !

(1) Dans l’excellent livre suivant :

Silvia, Paul J. 2007. How to write a lot: A practical guide to productive academic writing. American Psychological Association.

Rejet d’un article et rejet amoureux, même combat ?

Après le fort succès de mon billet sur le tricot et le doctorat, je me suis dit que je devrais continuer à faire des amalgames douteux (vous aimez le croustillant, pas vrai ?). En plus, j’ai reçu cette semaine la nouvelle que mon article de méta-analyse était rejeté par le journal qui l’évaluait. Les commentaires des réviseurs étant quand même très bons, je suis restée positive ! Pour mes lecteurs qui ne sont pas dans le milieu académique, c’est quelque chose qui arrive tout le temps.

Tout le temps, mais qui suscite déception, tristesse, de la colère parfois et un sentiment de rejet. Un peu comme une peine d’amour. Qu’est-ce que le rejet d’un article et le rejet amoureux ont en commun ?

  • Le sentiment d’échec (ais-je vraiment besoin de vous l’expliquer ?)
  • Le sentiment d’être injustement traité : « ils/il ne m’ont/a pas compris ! Je suis une incomprise !!! »
  • Le découragement : quoi, je dois encore recommencer ? Chercher un journal/partenaire qui correspond à ma liste de critères, soumettre mon application, espérer une réponse. Dans les deux cas, je vais passer des jours et des jours à regarder mes courriels toutes les heures (1).
  • « Ce n’est pas toi, c’est moi le problème »/« Votre manuscrit ne correspond pas aux thèmes de notre journal »
  • La rejetée en parle à tous ses amis pour qu'ils adoptent son point de vue. Ça marche beaucoup mieux avec le rejet d'un article qu'avec un rejet amoureux.

Et je pourrais continuer. Mais au final, rejet d’un article et rejet amoureux sont très différents.

Le rejet d’un article se base sur des critères objectifs (2). Ce n’est pas moi, Emilie Champagne, en tant que personne qui est rejetée. C’est ce travail. Et encore, ce n’est pas l’entièreté du travail, ce sont des points que je peux améliorer, travailler.

Bref, retour au travail, avec le sourire !


(1) Parfois plus fréquemment…

(2) Lorsque le processus est correctement fait. On peut signaler qu’il y a beaucoup de doutes dans le milieu scientifique sur la réellement objectivité du processus de révision par les pairs. Lisez ce blogue pour un exemple de sexisme parfois inconscient.

Ça sert à quoi un preprint?

J’abandonne le travail pour la journée, trop stressée par mon départ pour l’Australie (dimanche!). En contrepartie, je me suis dit « force-toi un peu, blogue ».

Rapidement, je voulais faire suite aux commentaires de Nelson dans mon premier blogue sur ma méta-analyse (1). À quoi sert de publier un manuscrit sous forme de preprint, c’est-à-dire, rendre accessible un article qui n’a pas encore été révisé par les pairs?

Voici les raisons qui m’ont motivée :

1.      Éviter que quelqu’un publie la même chose que moi, avant moi

Bref, je ne veux pas me faire scooper. C’est probablement de la paranoïa, mais j’ai travaillé 2 ans sur ma méta-analyse qui est basée sur des données déjà publiées. Si quelqu’un a eu la même idée, avant moi, j’ai perdu 2 ans. Publier son manuscrit en preprint permet de dire « je l’ai fait avant! ».

Gracieuseté de PhDComics

Gracieuseté de PhDComics

2.      Obtenir des critiques de mon travail

Les serveurs permettant de publier des preprints que je connais permettent de commenter les manuscrits (2). En mettant mon article en ligne, j’espérais que les erreurs de mes analyses soient détectées. Mais soit mon manuscrit n’a pas d’erreurs majeures, soit personne n’avait envie de le commenter. Il reste que le système existe et aurait pu être utile.

3.      Augmenter l’accessibilité de la recherche

Il peut se passer des mois (des années) entre la rédaction d’un manuscrit et sa publication. Et ne parlons pas du temps entre le développement d’un projet, son financement et ses résultats. Rendre accessible des manuscrits en cours de préparation rend la recherche disponible. Quand le projet peut s’appliquer à la conservation, c’est un enjeu critique. De plus, les chercheurs qui travaillent sur des sujets connexes peuvent s’inspirer de ces travaux non publiés et améliorer leur recherche. Bref, on accélère l’avancement de la science.

4.      Obtenir des offres de publication (?!)

Je ne savais pas que ça pouvait arriver, mais j’ai été contactée cette semaine par un journal qui se disait intéressé par mon article. Super compliment pour mon travail!

Je crois fermement que cette façon plus ouverte de faire la science deviendra de plus en plus populaire. Pour ceux intéressés aux preprints, je vous conseille de vérifier si le journal que vous visez pour publier permet les preprints. Vous pouvez utiliser pour ce faire la base de données Sherpa-Romeo.

(1) La suite viendra… relativement bientôt. D’ailleurs, l’article a été soumis et il n’a pas été rejeté… pour l’instant.

(2) Ils gardent aussi des statistiques sur le nombre de téléchargements de votre article. Je suis accro.