Tu pars ou tu restes?

Plusieurs lectures récentes m’ont amené à réfléchir, de nouveau, sur mes choix et sur la situation bien particulière des scientifiques. Dans le monde académique actuel, et c’est le cas depuis plusieurs décennies, on s’attends à des déplacements, c’est-à-dire qu’un chercheur devrait changer d’université entre son baccalauréat et sa maitrise, entre la maitrise et le doctorat, entre le doctorat et le postdoctorat et etc.

Il y a plusieurs avantages à ces déplacements : création de contact, immersion dans un autre domaine de recherche, dans d’autres méthodes, dans d’autres cultures. La pratique créerait de meilleurs chercheurs. Je lis présentement un livre sur les femmes récipiendaires de prix Nobel en science (1) où les déménagements sont une trame de fond persistente.

Ce n’est pas le choix que j’ai fait et bien que j’en sois heureuse, je ne peux m’empêcher de le remettre en question : est-ce que c’est de la paresse, de la lâcheté? Suis-je une chercheuse de bon calibre si je reste dans ma ville natale? Je ne me demande pas à être rassurée. J’ai simplement envie de partager mes remises en questions et à lever le voile sur la pression que certains, comme moi, ressentent.

Il y a également un paradigme à remettre en question. Les gens qui se déplacent de ville en ville et même de pays en pays sont souvent des privilégiés qui ont les moyens monétaires de déménager, ce qui contribue à maintenir nos laboratoires très blancs et peu diversifiés. Contrairement à d’autres emplois, des allocations de déplacements ne sont pas disponibles pour des postdoctorants! Outre les problèmes de races et classe sociale, on doit souligner la difficulté à s’expatrier lorsqu'on a une famille et un partenaire qui a sa propre carrière.

Dans un milieu où la communication est facilitée par l’internet et où l’on désire une plus grande diversité, ne pourrait-il pas y avoir de la place pour tout le monde? Je crois qu’on devrait concentrer notre jugement sur la qualité du travail d’un chercheur. Idéalement, on devrait appuyer monétairement ceux qui déménagement pour la science et s’assurer d’accompagner leur famille. J’admire beaucoup ceux qui font ce choix. J’aimerais juste qu’on de dénigre pas ceux qui ne le font pas.

(1)    Je vous reparlerai probablement de cette lecture